21/05/2025
Alors que le Plan France Très Haut Débit affiche un taux de couverture supérieur à 90 %, les réseaux d’initiative publique (RIP), qui ont permis de connecter les zones rurales, se retrouvent dans une impasse financière. Déficits d’exploitation, recettes en berne, contrats déséquilibrés : plusieurs territoires tirent la sonnette d’alarme.
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Derrière le bilan flatteur du Plan France Très Haut Débit – plus de 90 % du territoire désormais couvert en fibre optique – se cache une réalité moins reluisante : celle des RIP, ces réseaux financés par l’État et les collectivités pour desservir les zones jugées non rentables par les opérateurs privés. Après la phase de déploiement, souvent saluée pour sa rapidité, ces infrastructures entrent aujourd’hui dans une phase critique : l’exploitation, où les équilibres économiques s’avèrent de plus en plus précaires.
Dans certains départements, les alertes se multiplient. En Charente, le président du syndicat mixte Charente Numérique, Thibaut Simonin, ne cache plus son inquiétude : « Il y a deux semaines, je suis passé à ça de la cessation de paiement. Je ne suis même pas sûr de pouvoir monter le budget de l’année prochaine. » Le réseau a coûté 195 millions d’euros à construire, soit 20 millions de plus que prévu, un dépassement budgétaire que l’État refuse de compenser. Conséquence : les collectivités locales doivent souscrire de nouveaux emprunts pour rembourser les anciens, mettant en péril la soutenabilité du modèle.
Le phénomène n’est pas isolé. Selon une enquête de la Cour des comptes, neuf RIP sur dix ont connu un dépassement de leurs coûts initiaux. Et dans la plupart des cas, les revenus générés restent en deçà des projections. La transition des abonnés vers la fibre, plus lente qu’espérée, explique en partie ce retard à l’allumage. Mais d’autres éléments structurels viennent fragiliser ces réseaux.
Parmi eux, les contrats passés avec les opérateurs commerciaux. Dans certains territoires, ces derniers bénéficient de droits d’usage sur 20 ans, renouvelables pour un euro symbolique. Une clause aujourd’hui remise en question, notamment en Ariège. À cela s’ajoutent des loyers d’usage très faibles – environ 5 euros par abonné – qui ne permettent pas aux structures porteuses d’atteindre l’équilibre.
« Nous avons fait des simulations à moyen terme, et les comptes n’y sont pas », résume Walter Martin, président du RIP de l’Ain. Une phrase qui résonne comme un constat partagé par de nombreux élus locaux, confrontés à une impasse budgétaire.
Face à cette situation, la présidente de l’Arcep, Laure de La Raudière, a inscrit la question de la viabilité des RIP dans son plan stratégique 2030. Une révision des tarifs est attendue d’ici fin 2025. Mais elle prévient : « Le régulateur ne peut pas résoudre seul l’ensemble de ces problématiques », rappelant la diversité des situations locales.
De leur côté, les opérateurs télécoms, par la voix de leur fédération, se disent prêts à engager le dialogue. Mais pour de nombreux territoires, l’urgence est là. Comme l’a résumé avec gravité le sénateur Patrick Chaize, en ouverture de la conférence de printemps de l’Avicca : « Le prochain pas, on saute. »
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